Considérant le contexte actuel d’une rareté de la main‑d’oeuvre dans certains secteurs, attirer et retenir des employés compétents et qualifiés devient d’une importance primordiale. Parmi les solutions, les personnes immigrantes du Québec représentent un bassin non négligeable de recrutement.

Et si immigration rimait avec solution

Depuis 2010, ce sont 50 000 nouveaux résidents permanents qui s’établissent au Québec chaque année. Seulement en 2017, c’est plus de 100 000 personnes qui étaient titulaires d’un permis temporaire. Pour les employeurs, l’embauche d’une personne immigrante peut être une excellente solution au manque de personnes qualifiées ou pour pourvoir des postes d’entrée. Cela dit, il ne suffit pas d’avoir trouvé la solution, encore faut-il être en mesure de bien la gérer. Il est important de comprendre la réalité d’une personne immigrante et son parcours migratoire pour être en mesure d’optimiser sa réussite à l’emploi. L’embauche d’une personne immigrante n’est pas sans défis et il est essentiel de bien s’y préparer.

Mythe numéro 1

Je suis prêt à embaucher des personnes immigrantes : il ne devrait pas y avoir de différence avec mes façons de faire habituelles !

Se dire prêt à accueillir des employés immigrants parce que l’on a besoin de main‑d’oeuvre et avoir préparé son milieu de travail pour accueillir les nouveaux arrivants sont deux éléments distincts. Lorsque vient le temps d’intégrer des personnes immigrantes, il faut garder en tête qu’en plus d’avoir leur identité propre – chaque personne est unique ! –, elles ont aussi un bagage de vie et un parcours différent de ce que l’on peut connaître ici au Québec. Il est donc important de préparer son équipe à recevoir cette personne et, de plus, s’assurer que notre nouvel employé est prêt à intégrer son milieu de travail. Un accompagnement spécifique pour la personne a-t-il été programmé ?

En mode solution

En effet, l’accueil est l’un des éléments les plus importants pour la réussite de l’intégration. Les différences culturelles pouvant engendrer certaines incompréhensions, il est essentiel de prendre le temps d’expliquer les valeurs et la culture de l’entreprise, les rapports attendus avec les collègues ainsi que les modes de communication interne à la personne embauchée.

Exemples : Dans certaines cultures, le rapport hiérarchique peut être très fort. C’est-à-dire que les valeurs associées à l’âge et au rang social sont très importantes pour la personne. Si vous avez une entreprise où les liens hiérarchiques entre « le boss » et les employés sont minces, voire inexistants, il est important de l’expliquer. De quelle façon communiquez-vous ? À qui l’employé peut-il s’adresser ? De qui doit-il recevoir les consignes ?

Pour d’autres cultures, le temps peut être une notion souple, voire relative. Si vous souhaitez que l’employé arrive à l’heure prévue, dans certaines circonstances, il sera important de prendre le temps de lui expliquer que 8 h c’est 8 h et non pas un moment flexible entre 8 h et 8 h 59. Il faut également faire comprendre l’impact négatif qu’un retard peut engendrer sur le reste de l’équipe. Par ailleurs, le jumelage de deux employés, dès le début de l’emploi, facilite la compréhension du monde du travail et les obligations professionnelles liées. Cela permet aussi la création d’un premier lien de confiance avec une personne-ressource dans l’entreprise. Si la personne immigrante provient d’un organisme en employabilité, il peut être pertinent de vérifier avec celui-ci si l’employé a déjà suivi de la formation concernant le travail au Québec.

Mythe numéro 2

Mes employés actuels n’auront pas de difficultés à accepter les personnes immigrantes !

L’équipe de travail qui est déjà en place est-elle prête à recevoir cette nouvelle personne et va‑t‑elle contribuer à l’intégrer, voire l’inclure rapidement au sein du groupe ? Est-ce que chacun des intervenants dans l’entreprise prendra part à l’intégration et est-ce qu’ils comprennent bien ce que signifie accueillir au sein de l’équipe une personne immigrante ? Est-ce que certaines personnes au sein de l’équipe pourraient avoir des réticences ou bien des préjugés ? Il ne suffit pas que la tête dirigeante soit prête, il faut avoir l’adhésion de l’équipe, l’informer et, parfois, défaire des préjugés existants.

En mode solution

La réussite d’une bonne communication entre les membres de l’équipe ne repose pas sur les compétences d’une seule personne, mais dépend de la volonté de chacun. La préparation des équipes à travers des formations en communication interculturelle et en diversité culturelle aide à ce que les personnes immigrantes se sentent plus acceptées et comprises, et améliore la qualité des relations interpersonnelles en milieu professionnel. Il est important que l’employeur valorise les échanges et qu’il sache éteindre les feux rapidement avant qu’une situation ne dégénère. Il est important d’être vigilant, surtout si l’adhésion de toute l’équipe ne semble pas être optimale face à l’arrivée du nouveau dans l’équipe.

Exemple : Samuel a fait une mauvaise blague au sujet de Mohammed. Bien que la blague ne se voulait pas une atteinte personnelle au nouvel employé, le gestionnaire n’a pas eu d’autre choix que d’intervenir sur-le-champ pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise. Dans l’entreprise, le respect de tout un chacun est une valeur très importante. Samuel s’est donc excusé de son plein gré et les deux hommes entretiennent une très bonne relation aujourd’hui.

Mythe numéro 3

On parle la même langue, les communications seront plus faciles !

La langue est souvent le premier obstacle lorsqu’on pense à embaucher une personne immigrante… Comme ceux-ci parlent français, ce ne sera pas plus compliqué ! Mais parle-t-il le « québécois » ? Avons-nous les mêmes cadres de références pour comprendre un même message ? Les accents, les façons de s’exprimer, les terminologies et les expressions sont différents d’un pays à un autre, d’un milieu professionnel à un autre et d’une communauté à une autre. Même si la personne immigrante parle le français, il faut lui donner un peu de temps pour comprendre la terminologie spécifique au milieu de travail et aux équipes. Et que se passe-t-il si la personne immigrante ne parle pas le français ? La langue devient souvent une barrière à l’intégration et au maintien en emploi. « La méconnaissance du français empêche la personne immigrante de participer à la vie sociale et professionnelle de l’entreprise. »

En mode solution

Communiquer n’est pas toujours évident, même lorsqu’on parle la même langue. L’important c’est de prendre le temps de bien comprendre ce que l’autre attend de nous. De clarifier des termes, des mots, des expressions pour faciliter la compréhension. « L’expérience démontre que la maîtrise d’une langue peut s’acquérir en milieu de travail. Le fait d’être en emploi devient pour la personne immigrante un incitatif à l’apprentissage de la langue. » Si la personne embauchée a une connaissance limitée du français, il pourrait être une bonne idée de faire traduire vos documents de santé-sécurité, les règles d’entreprise et d’autres informations pertinentes.

Exemple : Lors d’une rencontre avec son gestionnaire, Felipe s’est fait dire qu’il ne prenait pas assez d’initiatives. L’employeur avait pourtant validé cet aspect en entrevue, alors qu’au contraire Felipe sentait qu’il faisait un bon travail et qu’il attendait, comme il se devait, les instructions avant d’aller plus loin. Facile de comprendre que deux personnes se retrouvent soudainement insatisfaites par un même message. Mais rien n’est perdu, car cet incident peut facilement mener à une conversation très intéressante sur la définition de faire un bon travail.

Mythe numéro 4

J’ai de belles offres d’emploi, je devrais attirer les personnes immigrantes.

Les offres d’emploi sont-elles adaptées au public cible ? Est-ce que les médias sociaux, les annonces, les images de marketing représentent aussi les personnes immigrantes ? Il ne sert à rien de sensibiliser les gestionnaires à la diversité si les pratiques d’attraction et de sélection n’attirent pas les membres du groupe cible. Est-ce que les offres d’emploi laissent l’occasion à une personne venue d’ailleurs de se reconnaître dans l’emploi ? Les exigences sont-elles trop spécifiques ? Les diplômes demandés trop précis ?

En mode solution

Il faut modifier et améliorer les méthodes de recrutement traditionnelles en revoyant les documents, en identifiant et ciblant de nouveaux bassins et en prenant en considération les particularités de certains groupes de travailleurs potentiels. Si un employeur souhaite embaucher des personnes de 50 ans et plus, il devra s’assurer que les images véhiculées et les sources de publications rejoindront ces candidats. Il en va donc de même pour rejoindre les personnes immigrantes, les jeunes, etc.

Ressources disponibles

Ressources sont disponibles dans les différentes régions pour soutenir les entreprises à l’intégration des personnes immigrantes.

Il sera important de rendre accessibles les offres d’emplois à un bassin plus grand de personnes en simplifiant les énoncés de ces offres surtout en ce qui concerne les noms spécifiques des diplômes qui proviennent du Québec. La sélection doit se faire à partir des compétences, des expériences et de la formation académique, peu importe les lieux où elles ont été acquises. Ces compétences acquises dans un autre pays peuvent certainement être transférables. Une mention en ce sens pourrait paraître sur votre offre d’emploi : « Valeur accordée aux compétences et formations acquises ailleurs qu’au Québec. » Un plan de formation peut alors être utile pour combler les manques concernant les pratiques d’un milieu de travail, des spécificités liées aux techniques et aux normes d’un métier au Québec.

Concernant les entrevues d’embauche, celles-ci peuvent constituer une barrière importante à l’accès à l’emploi. Réussir une entrevue d’embauche est un défi de taille pour les personnes immigrantes. Il s’agit d’un exercice difficile pour la plupart d’entre elles à cause de la langue, des termes ou des techniques propres à un pays, d’un métier, et à cause des entrevues comportementales où la personne immigrante pourrait agir différemment selon ses valeurs et normes. La reformulation devient primordiale pour assurer une bonne compréhension aux questions d’entrevue. Effectivement, un candidat dont le français est sa deuxième langue ne percevra peut-être pas les subtilités d’une question. La personne qui recrute doit être consciente de ses propres biais culturels pour s’assurer une évaluation plus objective d’une candidature.

Pour conclure

Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que nous avons tous quelque chose de très important en commun : nous voulons réussir.

  • Réussir à pourvoir des postes
  • Réussir à atteindre nos objectifs
  • Réussir à intégrer
  • Réussir à retenir
  • Réussir à inclure

La première marche de cette réussite est de chercher de l’aide, travailler en réseau, demander conseil et comprendre que « seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ».

Par : Nisrin Al Yahya, coordonnatrice des projets en employabilité et présidente CCPI et Maud Lefevbre, CRHA, et HortiCompétences